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Pourquoi certaines forces idéologiques en Europe sont-elles séduites par le Panafricanisme ?

Société

Pourquoi certaines forces idéologiques en Europe sont-elles séduites par le Panafricanisme ?

Par Farafín Sandouno 12 février 2023

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Ces derniers temps, en Europe, il y a une manipolation du noble discours panafricain par certains  »mouvements identitaires européens ». Les discours de souverainisme africain, de retour à la Tradition primordiale, de Back-to-Africa, de fédéralisme africain, semblent paradoxalement attiser l’interet d’une certaine extrême droite de ligne et d’origine  »pan-européenne ». Mais qu’est-ce qui se cache derrière le prétendu intérêt de l’identitarisme blanc pour la cause Africaine ?

Le pan-européanisme : un concept d’origine nazie

Jean-François Thiriart, figure raciste du pan-européanisme.

Le pan-européanisme est un concept d’origine nazie qui trouve ses racines dans la pensée hitlérienne de vouloir construire un espace vital européen, là où l’Allemagne nationale-socialiste aurait été à la tête d’un tel espace purgé des prétendus ennemis de la race aryenne. Des penseurs racistes comme Karl Haushofer, entre autres, ont contribué à la consolidation de certaines thèses, récupérées par un Mussolini en Italie, un Hitler en Allemagne, un Degrelle en Belgique, un Codreanu en Roumanie et un Mosley en Angleterre. Tous étaient unis par la volonté d’une  »Europe unifiée, aryenne et chauviniste » comme pôle tiers vis-à-vis de l’Union soviétique et des États-Unis. Et bien sûr dans leur vision coloniale, l’Afrique ne représentait rien d’autre que leur carburant, qui devait dépendre de la consolidation de ce supposé empire européen. Voilà donc les fondements du pan-européanisme (à l’origine de l’identitarisme blanc), qui sera récupéré plus tard par le belge raciste et pro-colonialiste Jean François Thiriart, entre autres. Thiriart, négrophobe viscéral, fondateur de l’organisation neo-fasciste  »Jeune Europe », espérait voir la consolidation d’un  » Empire euro-soviétique  », il s’opposait à la décolonisation au Congo (et en Afrique en general) et considérait l’Afrique comme une périphérie d’un Empire géré par les Européens dans leur suprématie. Le pan-européanisme ne se base donc pas sur des idéaux nobles et révolutionnaires de solidarité et de respect des autres peuples, mais c’est un courant réactionnaire imprégné de suprémacisme blanc et de néonazisme de la pire espèce.

Marcus Garvey, precurseur du PANAFRICANISME.

Dans un de mes articles sur notre site Nofi Media intitulé Imperafrika : Pour un Empire Africain au 21ème siècle, j’ai illustré la différence entre un Empire et l’impérialisme, expliquant que le premier est positif tant qu’il reste dans un concept de solidarité civilisationnelle sans chauvinisme (le Panafricanisme va dans ce sens), tandis que le second concept, pour reprendre une phraséologie marxiste, est la phase la plus élevée du capitalisme, qui vise au chauvinisme, à la domination d’un peuple sur un autre. La plupart des représentants de cette extrême droite européenne camouflée sous la doxa du pan-européanisme représentent l’impérialisme dans toute sa puanteur. Le panafricanisme est aux antipodes de cela, il rejette l’impérialisme, même s’il s’empare du concept d’Empire. Pour citer une phrase d’un des pères fondateurs du panafricanisme, Marcus Garvey,  »Pour nous l’Empire Africain ne sera pas une utopie ».

Le Panafricanisme révolutionnaire est né de besoins et d’objectifs différents de l’identitarisme blanc

Kwame Nkruamah, figure du PANAFRICANISME et prémier Président du Ghana.

Le Panafricanisme qui semble tant attirer certains forces de droite aujourd’hui en Occident (forces héritiers de la clique Thiriart et leurs ancêtres idéologiques nazis), est né de besoins et de buts différents de l’identitarisme blanc (meme si tous les deux valorisent l’Identité de leurs Civilisations respectifs) . Le Panafricanisme, tel que décrit dans un de mes articles sur notre site Nofi Media  »Panafricanisme d’hier et aujourd’hui », est né dans des conditions d’oppression dans les Amériques, parmi les Noirs kidnappés d’Afrique par des esclavagistes à la solde du capitalisme international (dont les nationalistes blancs sont l’autre facette d’une meme piece), et a généré un désir d’unité parmi les Noirs. Les idées panafricanistes de Benito Sylvain, Marcus Garvey, WEB Du Bois, ont été récupérées par des figures géantes du continent africain telles que Kwame Nkrumah, Sékou Touré, Modibo Keita, Patrice Lumumba, Haile Selassie, Jomo Kenyatta et plus tard par Thomas Sankara. L’objectif panafricain est de créer, en passant par l’étape révolutionnaire, un bloc civilisationnel africain monolithique libre et souverain (l’Empire Africain/Imperafrika) capable d’être respecté dans le monde. Mais les exigences de cet Empire africain ne sont pas et ne seront jamais le chauvinisme, le racisme, le racialisme, la réaction, la xénophobie ou la domination. Pour cette raison, une certaine extrême droite européenne qui tente en vain de réformer son discours idéologique ne peut pas marcher avec un Panafricanisme qui a une tradition révolutionnaire qui s’oppose à certaines thèses délirantes qui ne sont pas en harmonie avec notre paradigme civilisationnel africain.
La nouvelle extrême droite européenne (néo-paneuropéanisme) veut collaborer avec les Africains, tout en stigmatisant les immigrés noirs et arabes d’une part. Ce nationalisme blanc ne reconnaît pas les torts de ses ancêtres idéologiques. Comment travailler avec des gens qui finalement nous considèrent comme des Nègres, voir aussi, comme des singes ? (dire cela ne veut pas dire chercher de travailler avec la gauche qui est aussi nocive que la droite).

Quand les panafricanistes prêchent le « Back-to-Africa » (rétour en Afrique) à la manière de Marcus Garvey, l’extrême droite s’excite en voyant dans les panafricanistes des alliés potentiels. Mais il faut préciser que nous ne voyons pas la notion de rapatriement de la même manière : l’extrême droite veut le rapatriement en raison de ses thèses de pureté raciale, d’une Europe blanche et chrétienne, sans immigrés (le seul immigré accepté est l’élite financière néolibérale apatride qui a colonisé l’économie, la politique et la culture, à travers le mondialisme et le materialisme progressiste qui est l’ennemi des Peuples enracinés dans la Tradition primordiale d’origine Négro-africaine). Les panafricanistes veulent le rapatriement parce qu’ils sont conscients que l’Afrique a plus que jamais besoin de ses filles et de ses fils pour se reconstruire dans le sens de l’autodétermination. Quant à l’extrême droite, si elle est véritablement  » paneuropéenne  », devrait aussi prêcher à son tour le rapatriement de ses frères d’Afrique du Sud, d’Australie, des États-Unis, etc. vers l’Europe.

Un autre concept manipulé par l’extrême droite incohérente est celui du souverainisme africain, en ce sens on voit de plus en plus de mouvements identitaires blancs (notamment en Italie) prendre la parole contre le franc CFA. Des discours aux fondements légitimes et justes, mais manipulés contre le  »danger migratoire » (selon eux). Ce sont les mêmes mouvements qui ont pour référence Thiriart et Evola, qui disaient que les Noirs méritaient le colonialisme, à prendre position aujourd’hui contre le colonialisme (temporairement, car  »’menacés »’ par une prétendue invasion africaine).

Il ne faut pas tomber dans le piège

Tout au long de l’histoire, les leader Black-nationalist se sont associés temporairement aux nationalistes blancs contre l’élite néolibérale apatride, en vue de la séparation (pour différentes raisons). Aujourd’hui cela ne peut plus fonctionner. Chacun a ses intérêts. Et même si certains tentent de réformer leur discours idéologique en s’approchant au monde des Noirs, il ne faut pas etre naifs, puisqu’ils sont issus d’une tradition idéologique négrophobe et suprémaciste qui restera toujours latente dans ces mouvements. Le seul ami des Africains est l’Africain en question. Il ne faut donc pas tomber dans le piège ni d’une extrême droite ni d’une extrême gauche, ni des sociaux-démocrates ni des progressistes libéraux. L’histoire nous l’a appris. Sachons en tirer les leçons nécessaires. Écrit par Farafín SANDOUNO sur nofi.media