MUSIQUE : YA LEVIS SAPE PAS LE MORAL
Portrait

Par Dozilet Kpolo 22 avril 2022
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Ya Levis a sorti un nouvel album : « L’amour change le monde » avec en fond sonore cette musique qui ne sape pas le moral.
« La musique, c’est tout pour moi ! » répète en boucle l’artiste qui mélange la rumba congolaise à de nombreux genres musicaux dont le R&B. Loin d’irriter, de faire grincer les dents, contrairement à un vinyle qui tourne-disque, son couplet/leitmotiv/slogan sonne comme le doux refrain d’un artiste qui a « toujours baigné dans la musique, depuis tout petit » et « aimé la sape ».
Rencontre avec Ya Levis, le chanteur qui ne sape pas le moral.
YA LEVIS OU LE PETIT PRINCE NEMIALA

Dire que le COVID-19 a changé la vie de nombreuses personnes est doux euphémisme. Entre ceux dont la pandémie a ouvert les yeux sur leur vie professionnelle puis privée, au point où ils remettaient tout en cause, et ceux qui ont dû reporter leur projet, le coronavirus, bien avant le pass vacinal, a été une piqûre de rappel pour beaucoup d’entre eux.
« Avant que l’album ne sorte, il y a eu deux ans. Avec le COVID-19 et le décès [sa maman, NDLR]. » explique-t-il.
Le lien extrêmement fort qui l’unissait à ses parents tous deux disparus apparaît dès les premières notes de son nouvel album : L’amour change le monde, disponible sur toutes les plate-forme légales. Si c’est une voix off qui raconte l’histoire de ce fils de musiciens dans « Intro », cette fois-ci, c’est Prince Nemiala, son vrai nom, qui fait le Zoom sur sa vie via la célèbre application audio/vidéo.
« On écoutait beaucoup de musique à la maison. » narre-t-il.
Fils d’un célèbre artiste congolais et d’une mère choriste, le petit Prince baigne dans l’eau et la musique très tôt.
« J’avais plus un côté danseur. » tempère-t-il néanmoins.
Ce côté danseur, il l’exprime très tôt, le plus souvent à l’abri des regards indiscrets.
STAR À DOMICILE
« J’étais un spécialiste pour l’imiter. »parlant de l’une de ses idoles Mickael Jackson.
Lorsqu’il ne joue pas avec ses « nombreux amis », le petit garçon imite le Roi de la pop et pas qu’un peu.
« Je transformais la télécommande [de la télévision, NDLR] en micro et je reprenais ses chansons de 14 heures à 20 heures, avec mon frère. À la fin c’était un carnage.»
Le plus souvent c’est en l’absence de sa maman, dont il mettait « les vestes » qui veille déjà sur ses frères, lorsqu’il débarque en France à l’âge de 5 ans. « Je n’ai pas tant de souvenirs que ça. » au sujet de son arrivée dans l’Hexagone.
La mémoire de ce jeune homme vêtu d’un tee-shirt blanc dont les manches courtes laissent apparaître ses avant-bras et bras tatoués flanche peut-être mais il n’a rien oublié de cette « mère guerrière » :
« Ma mère voyait que j’aimais la musique mais elle refusait que je me lance dedans à cause de tout ce qu’il y a autour. »
« Tout ce qu’il y a autour », ce sont pêle-mêle : entourage malhonnête, producteurs véreux, pratiques occultes, etc. C’est parce qu’elle voulait le protéger que sa maman refuse d’abord de lui accorder sa « bénédiction ». Elle le fera plus tard, quelques années plus tard.
LETTRES DE MOTIVATION

Lentement mais sûrement l’échange qui a démarré peu après 13 heures 30 GMT, ce mercredi 13 avril 2022, décolle. Les 6 000 kilomètres qui séparent Abidjan à Paris sont invisibles à l’œil nu.
Celui de Ya Levis se pose de temps en temps sur l’écran d’ordinateur, quand ce n’est pas son oreille qui s’en rapproche pour écouter puis répondre correctement aux questions.
« La musique ? C’est tout pour moi ! », enthousiaste.
Parce que la musique c’est tout pour lui, le jeune Nemiala, avec son groupe, Les Étoiles d’Afrique, multiplie « les concerts ».
« On faisait beaucoup de MJC[1], tous les week-ends. », se remémorant la période 2014 – 2015.
« Je ne disais rien à ma mère parce que justement elle avait peur des escroqueries. »
Et quand il n’était sur scène, où il n’a jamais « vraiment senti de pression», le jeune homme, plus débrouillard à jamais qu’un rappeur belge, frappe aux maisons de disque notamment Universal.
« Parfois, je séchais les cours pour faire des enregistrements et y déposer des CD. » se souvient celui qui est aujourd’hui chez Sony Music Entertainment France.
Oui à une époque pas si lointaine, « un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître », il fallait frapper à tous les portes quitte à entendre : « Ça sera pas possible ! »
Plutôt que de rester la mine triste, Prince charbonne tel un mineur.
Et les efforts finissent par payer en 2015 avec la sortie de : « Mokolo y a l’amour » ; clip qui a été vu plus de 2,5 millions de fois sur YouTube.
LOVE IS IN THE AIR
« On a tous senti quelque chose. » se replongeant dans l’ambiance au moment de la sortie du titre. « Y avait un petit doute parce que c’était un mélange de lingala et de français. » ajoute-t-il. Mais « motivé » parce premier succès et le bon accueil du public, le jeune chanteur continue, enchaîne avec notamment du zouk, « Je t’emmènerai », puis quelques années plus tard avec du Rap Ivoire, en featuring avec Kiff No Beat : « Farotema ».
Hymne au farotage, concours de sape, exposition de grandes marques matin/midi/soir. Tout ceci a été popularisé avec le coupé-décalé de Douk Saga. Aïe, aïe : c’est fort !
Spontanément, le sapeur qui s’exprime depuis une bonne demi-heure maintenant confie : « Depuis un mois, je n’ai pas enregistré [quelque chose, NDLR] ! » Autant dire une éternité pour celui qui « enregistre tous les jours ».

Rarement satisfait du résultat, il aime « revenir sur le morceau », « refaire l’enregistrement ». C’est probablement comme ça que l’homme au tee-shirt blanc a sorti son tube, celui qui l’a fait encore passé dans une autre catégorie : « Katchua ».
La légende urbaine raconte que grâce à cette chanson, tous ceux dont « l’âme se consume à aimer », l’autre, ont fini par obtenir la preuve de l’amour neuf mois plus tard.
« Burkina Faso, Mali, Rwanda… » citant avec l’aide d’une des personnes présentes pour l’interview, hors caméra, quelques-uns des pays qu’il a visités à la suite de ce succès mondial.
POUR YA LEVIS, L’AMOUR CHANGE LE MONDE
Les rires qui s’échappent de sa bouche tapissent les murs d’une pièce, qui respire l’ambiance studieuse. L’artiste rompu à l’exercice de la promotion joue le « je » et se raconte. Notamment la collaboration sur son EP, El mayalove, avec Diamond Platnumz, qui est récémment apparu dans la première télé-réalité signée Netflix Originals : « Young, Famous & African ».
« Il est très simple, humble, ne tarissant pas d’éloges sur l’artiste tanzanien. Chez lui, il est comme un président. »
Pour la petite histoire, Naseeb Abdul Juma, son vrai nom, devait être sur son nouvel album mais bon ligaments croisés tu connais…Peut-être sera-t-il présent sur l’une des « surprises » qu’il prépare.
TRENTE MINUTES TOP CHRONO
Celui qui est bien présent sur son album, c’est ce Congolais qui fait la Loi sur la musique africaine depuis une trentaine d’années maintenant, un certain Antoine Christophe Agbepa Mumba dit Koffi Olomidé.
« Il est venu au studio. Il a fait trente minutes. C’est là que tu vois que c’est une légende. » entre deux rires.
Sur ce premier album, où les titres « Machine », « Lokesha » et « YSL » remportent tes faveurs, Ya Levis continue à faire diffuser le même message depuis ses débuts : « L’amour c’est la clé. »
Et rien ne saurait le perturber, ni le monsieur qui entre dans la pièce, passant furtivement devant la caméra, ni ces gens qui veulent le mettre en opposition avec ces autres artistes qui chantent l’amour.
« Je n’ai aucun problème avec lui, parlant de Tayc. », ignorant d’où leur supposée inimité proviendrait.
PRENDRE SON TEMPS
L’amour de ses parents, et notamment de sa mère, disparue en 2020, c’est l’autre essence à laquelle il carbure. Pratique en ces temps de crise où le prix à la pompe est à la hausse.
Lui, c’est le temps qui l’a réparé. « J’avais besoin de faire un break, de prendre le temps. »
Et les deux ans qu’il a pris pour faire cet album semblent lui avoir fait du bien. « Je me sens bien. Ça a été un ouf de soulagement quand on l’a terminé. » parlant de l’album.
Cet amoureux de la salle de sport, où il passe en moyenne « 2 heures » pour « décompresser » se concentre sur la promotion, ces nouvelles surprises, « Wizkid ? Restez connectés. », sourire malicieux sur le visage. Et ces tatouages qui ornent son corps.
« J’en ai 11 ! Le premier tatouage, c’était il y a 2-3 ans par rapport à mon père depuis j’ai enchaîné. » reconnaissant volontiers que ça escalated quickly.
Ce n’est pas le seul hommage à son père qu’il porte à même sa peau noire. Les courts cheveux rouges qu’il porte en sont un aussi.

« En ce moment, je porte des chemises moulantes parce que j’ai vu que mon père en portait beaucoup.» faisant le point Fashion Week.
Autrefois, son style était plutôt rock en hommage à Mickael Jackson.
S’il devait lancer un produit mode, ça serait pour : « Les dames d’abord ! » martèle-t-il à deux reprises avant et après la coupure automatique de Zoom.
Avec ses fans, celui « qui a un petit talent pour le dessin » entretient un lien fort. À propos de la gente féminine, « l’ambassadeur de l’amour » considère le trop plein d’attention dont il fait parfois l’objet comme une « vraie preuve d’amour ». Certains des fans de cet auteur-compositeur-interprète lui confie même des histoires qu’ils aimeraient bien voir en chanson. « Je veux bien les raconter. » ouvrant sur son processus d’écriture.
« Une heure, ça dépend du titre. » commence-t-il doucement avant d’être plus catégorique : « Pas de calcul par rapport à TikTok ! »
Le réseau social chinois, qui propulse certains artistes en tête des charts, comme le Ghanéen Black Sherif, dont la chanson « Kwaku The Traveller » est la plus téléchargée au monde sur Shazam, l’intéresse peu. Lui, ce qui l’anime c’est « rendre le monde meilleur avec la musique ». Une musique qui est un savant mélange entre rumba congolaise, R&B, afro-dance, etc.
Quand il n’en fait pas, il regarde la série criminelle britannique Top Boy et/ou écoute d’autres autres artistes ou genre musicaux : « Adekunle Gold, de la rumba des années 90, Alicia Keys…» en nommant quelques-uns. En attendant la future, réédition de son album, Ya Levis se nourrit de «cet amour qu’il a reçu et qu’il veut redonner » avant de montrer que : « La musique, c’est tout pour moi ! »
[1] Maison des Jeunes et de la Culture.