Covid19: un point sur la situation en Guyane avec le député Lenaick Adam
Politique

Par SK 11 mai 2020
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Le gouvernement a arrêté ce lundi 11 mai comme date de fin du confinement. Après deux mois de quarantaine et des questions qui subsistent quant aux risques liés au virus Covid19, les Français peuvent désormais sortir sans attestation, avec port de masque obligatoire. En Outre-Mer, les autorités ont dû s’organiser pour répondre aux enjeux posés par cette situation exceptionnelle. Parmi les territoires qui la composent, la Guyane, département complexe situé sur le continent sud américain. Comment a-t-elle fait face et comment prépare-t-elle le déconfinement? Un point sur la situation avec le député Lénaick Adam.
Vous avez été parmi les premiers à vous mobiliser sur le terrain. Comment mener l’action dans cette situation bien particulière ?
En tant que député, j’ai voulu être au plus près des populations, même si je ne suis pas à proprement parler un élu local. En tant qu’élu national, on ne fait normalement pas tant de proximité que ça mais aujourd’hui, notre époque l’impose. Un parlementaire doit être proche des populations au sein de sa circonscription. J’essaye de faire le tour de la ville dans laquelle j’habite, Saint-Laurent du Maroni, voir ce qui s’y passe et être en contact permanent avec les autorités, notamment le sous-préfet, le préfet, la gendarmerie. Nous travaillons ensemble pour répondre aux difficultés qui peuvent exister sur le territoire. L’action qu’on peut mener est celle de sensibiliser les gens quant au virus, soutenir les soignants, essayer de faciliter la vie de ceux qui sont dans des situations de précarité.
Revenons sur cette opération qui a permis de faire venir plusieurs tonnes de riz.
On m’a signalé qu’il manquait du riz et que le riz que l’on pouvait récupérer le plus rapidement se trouvait au Surinam. Je me suis mis en contact avec un fournisseur guyanais qui avait l’habitude d’en faire venir en Guyane par sa société et avait un stock au Surinam. Nous avons fait le nécessaire. Les frontières sont fermées alors j’ai tout de suite contacté le préfet pour rendre effective l’autorisation d’ouverture que j’étais en mesure de fournir. Par la suite, j’ai contacté le Surinam via le Ministère du développement régional, par monsieur Dikan et la Ministre des Affaires Étrangères, madame Pollack-Beighle, ainsi que le Ministre de l’Agriculture. C’est comme ça que nous avons pu faire entrer 60 tonnes de riz. On a encore fait entrer 100 tonnes cette semaine ainsi que des produits d’entretiens afin d’alimenter l’ensemble de la population. J’ai convaincu l’importateur de faire un don de 1,5 tonnes de riz dans l’ouest guyanais. Stock dont la Croix Rouge a pu bénéficier pour sa distribution. Ce fut une belle opération de coopération.
Les produits de première nécessité sont-ils actuellement accessibles à la majorité des foyers guyanais ?
J’ai du monde sur le terrain qui me rapporte une forte augmentation des produits de première nécessité, que certains justifient par l’importation compliquée par la situation. La population s’en plaint. Au-delà de ces produits qui ne sont plus vraiment à la portée des citoyens précaires, nous avons un autre cas de figure : les personnes qui vivaient de marchés parallèles, d’économie noire comme certains taxis par exemple ou de trafics subissent également cette situation. Il faut donc aussi pouvoir s’occuper d’eux, les rencontrer, leur distribuer des denrées, ce que la Croix Rouge essaie de faire avec certaines collectivités municipales. C’est assez compliqué.
Dans l’ensemble, le confinement a-t-il été respecté par les Guyanais ?
Assez.
La situation géographique de la commune de Saint-Laurent du Maroni constituait-elle une difficulté particulière quant aux mesures à observer durant ce confinement ?
Le confinement est difficile à respecter parce que les gens n’ont pas peur. Ils pensent que le Covid19 n’est pas forcément en Guyane et se permettent certaines choses. Lorsqu’on compare Saint-Laurent du Maroni avec le reste du territoire, on voit que le taux de contamination n’est pas le même, ni celui de circulation donc les gens ne sont pas effrayés et se permettent un certain nombre de choses. Depuis que la date du 11 a été annoncée par le Président de la République, les gens pensent que nous sommes retournés à la vie normale. Pourtant, la maladie continue de circuler. Il y a une forme d’imprudence à ce niveau-là.
Les populations présentes dans la forêt et les espaces de réunion habituels entre Guyanais et sud-américains constituent-ils un risque supplémentaire ?
Tant que personne de la ville ou des centres névralgiques ne va les rejoindre il n’y a pas de problème. On a eu le cas d’un jeune qui a été rendre visite à sa belle-famille dans un village ce qui a abouti à la contamination de 20 personnes. Donc il n’y a pas de propagation dans ces espaces s’il n’y a pas de nouveaux arrivants.
En Guadeloupe, la question de l’eau reste un problème urgent. En Martinique, celle de la vie déjà chère s’aggrave. À quelle difficulté principale la Guyane doit-elle faire face ?
On a connu un problème de sécheresse sur les fleuves qui nous empêchait d’alimenter l’intérieur du territoire. La vie chère s’aggrave ici aussi mais on fait surtout face au manque d’infrastructures hospitalières et de santé. On a également eu des difficultés à fournir des masques aux personnels soignants qui commencent progressivement à se résoudre.
Avec quels soutiens parvenez-vous à mener les opérations de solidarité ?
Avec les autorités de l’Etat que ce soit au Surinam et en Guyane et avec la collectivité territoriale de Guyane.
De quelle façon travaillez-vous avec la mairie ?
Je leur signale un certain nombre de choses que j’observe et nous travaillons en concertation. Cependant, parfois, pour des raisons politiques, il y a des mairies avec lesquelles on ne travaille pas assez.
Les associations sont-elles également mobilisées dans la lutte contre la propagation du Covid19 ?
Elles le sont. Elles essaient de faire la distribution de denrées, de sensibiliser mais elles n’ont parfois pas de dotations suffisantes pour mener les actions qu’elles voudraient.
Quels sont les moyens mis en œuvre par les institutions et la population pour acquérir masques et gel désinfectant ?
Nous avons une rhumerie qui, en partenariat avec d’autres organismes de transformation de produits a pu fabriquer du gel hydro alcoolique et en distribuer dans toute la Guyane. Pour les masques, des associations en distribuent et des artisans couturiers en créent et les commercialisent ou les distribuent. Une solidarité assez naturelle qui s’est mise en place.
Avez-vous aujourd’hui la possibilité de suivre les avancées et les chiffres quant aux malades et éventuels porteurs sains en temps réel ?
Nous faisons un point chaque soir, l’info Covid. La semaine dernière on relevait 138 cas positifs avérés depuis le début de la crise. Parmi eux, 111 sont guéris. Parmi les 27 personnes toujours malades, 5 sont hospitalisées. Aucun patient en réanimation et un décès, d’une personne déjà fortement malade. Chaque lundi nous avons les quatre parlementaires réunis dont moi ainsi que le président de la collectivité territoriale de Guyane, le président de l’association des maires, la directrice générale de l’ARS, le préfet et le recteur pour faire un point sur la situation.
Quels sont les besoins personnels soignants à ce jour ?
Au départ ils demandaient du gel, des masques, des respirateurs artificiels. On a eu 1000 scenarii préparés par l’ARS pour arriver finalement à un scénario cohérent. Le fait est que les respirateurs ne sont pas vraiment utilisés pour l’instant puisque nous n’avons pas de patients en réanimation. Le territoire a besoin de sensibilisation, des soins annoncés en termes de tests, de masques, de gel et tout ce qui nous permettra de bien vivre dans cette situation, en respectant les gestes barrières.
La délégation rattachée au ministère de l’Outre-mer a mis en place une plate-forme d’entraide pour les citoyens ultramarins de l’hexagone ? A-t-elle permis une amélioration dans l’accès à l’information et pour la solidarité ?
Je pense que ça a pu aider un certain nombre de compatriotes. C’était plus que nécessaire et attendu. Il y a eu une dynamique pour l’encadrement des étudiants, même si ce n’est pas toujours très opérationnel et suffisant, avec les sénateurs Karam, Patient et mon collègue député Gabriel Serville, nous avons écrit à la Ministre pour faire le point et souligner certaines réalités.
Elle a comme objectif également de permettre le retour des étudiants sur place. La Guyane est-elle aujourd’hui prête à les accueillir en toute sécurité ?
La Guyane a pu recevoir ces étudiants en toute sécurité puisque les arrivants observent une quatorzaine.
Dans la recherche de vaccin, savez-vous si la pharmacopée de Guyane intéresse les chercheurs ?
Certainement. Ici, en tout cas, la chloroquine est toujours utilisée pour le traitement du paludisme. Nous en avons toujours pris. Il a également été mentionné un vaccin BCG que nous avons tous reçu ici et qui nous rendraient plus résistants au Coronavirus.
Le gouvernement a annoncé une reprise de l’école à partir du 11 mai. L’éducation figurant parmi les mesures politiques prioritaires, cette éventualité va-t-elle occasionner des difficultés particulières ?
Les enfants ne réintègreront pas l’école avant septembre. La date est laissée aux soins des autorités locales.