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Le périple d’Ota Benga dans les zoos humains

Histoire

Le périple d’Ota Benga dans les zoos humains

Par Atouma NKeussi 20 mars 2018

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Connaissez-vous l’histoire d’Ota Benga, ce jeune pygmée exposé dans un zoo humain aux États-Unis ?

Ota Benga, né vers 1883 dans le Royaume Kongo est mort le  à Lynchburg, dans l’état de Virginie aux États-Unis. Il était issu du peuple des Mbuti vivant principalement de la chasse et de la cueillette, un peuple qui a été exposé au zoo du Bronx de New York en 1906.

La rencontre d’Ota Benga avec l’occident

La rencontre d’Ota Benga avec l’occident au début du XXème siècle a été insidieusement brutale. Ceci, à cause des stigmatisations dont les peuples autochtones d’Afrique étaient victimes à cette époque. En 1903, la Force Publique (la force armée policière du Congo) attaqua son village alors qu’il partait à la chasse à l’éléphant. Sa femme et ses deux enfants furent tués. Son absence du village lui a permit d’être le seul survivant de l’attaque. La Force Publique l’emprisonna et le laissa dans un village voisin. Samuel Phillips Verner vint l’aborder. C’était un homme d’affaires et missionnaire américain chargé de ramener des autochtones africains. Son but était de les présenter comme des bêtes sauvages lors des Expositions Universelles.

Le périple d'Ota Benga dans les zoos humains

Samuel Phillips Verner © Wikipédia

Le zoo humain

Il s’agissait, dans ce cas précis de l’Exposition Universelle de 1904 (Louisiana Purchase Exposition). Benga arriva à St-Louis avec quatre autres Pygmées en juin 1904, quelques jours après l’ouverture de l’événement. D’ailleurs, leur présence provoqua beaucoup d’intérêts chez les visiteurs au vu de la particularité d’Ota Benga. En effet, il possédait des dents pointues et aiguisées. Les visiteurs lui donnaient des pièces pour qu’il puisse les montrer. Durant l’exposition, Benga se produisit devant les visiteurs en jouant d’un instrument de musique traditionnel, le Molimo. Malgré les nombreuses tentatives pour s’enfuir, il n’échappa pas au sort qui lui était réservé. À l’issu de l’exposition en décembre 1904, Verner se déplaça à travers tout le pays avec Ota Benga. Il l’utilisa pour appuyer ses arguments durant ces conférences scientifiques.

Retour au Congo

À la suite de ces voyages, Ota Benga se rendit une nouvelle fois à La Nouvelle-Orléans dans le but de rentrer dans le Kasaï, au Congo, comme le missionnaire l’avait prévu. En 1905, Ota Benga, Verner et quatre autres Pygmées, embarquèrent dans un navire afin de retourner en Afrique. Ils effectuèrent d’abord une escale d’une durée d’un mois dans la capitale cubaine. Ensuite, ils débarquèrent au Congo. À leur arrivée, ces derniers tentèrent d’expliquer aux habitants de la région ce qu’ils avaient vécu. En outre, ils évoquèrent les objets du monde occidental qu’ils ne connaissaient pas (photographie, train, etc.). En réalité, Verner prétexta ce retour au Congo pour réunir un maximum d’objets, tel que l’ivoire, afin de remplir les musées américains. Naïvement, Benga fit office de guide et expliqua à Verner certaines techniques de survie. Il lui permit aussi de négocier avec les habitants. En contrepartie, Verner lui expliqua le fonctionnement de certains objets. Ota Benga retrouva donc son quotidien et épousa une femme du peuple Twa. Cette dernière finit par mourir d’une morsure de serpent. En conséquence, Benga fut banni de la communauté de sa femme.

Le racisme scientifique

Verner et Benga quittèrent la région du Kasaï en 1906 et arrivèrent à New York. Verner et le directeur du musée d’histoire naturelle de New York décidèrent de lui accorder une pièce dans le musée. Ainsi, Benga avait la permission de circuler librement dans tout le zoo. En septembre, il fut placé dans un enclos de la zone Monkey House, à savoir la division du parc consacrée aux singes. L’objectif était en fait de promouvoir les concepts de l’évolution humaine et le racisme scientifique. Choqué par cette exposition, des protestations du public et notamment celles des ecclésiastes baptistes noirs menaçaient de poursuivre en justice les responsables du musée. Ils ont finalement conduit au retrait de Benga du zoo le 

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Ota Benga © Wikipédia

Laissé pour compte

Benga est libéré de ses engagements pour le zoo. Verner, incapable de lui trouver une place en société, vend ses droits à un curé qui le place dans un orphelinat. Cependant, les journalistes et les curieux le pourchassent et en janvier 1910, le curé se voit obligé de relocaliser Benga. Cette fois, c’est une famille de Virginie qui le recueille. D’abord placé à l’orphelinat des enfants noirs de Brooklyn dans lequel il commença à apprendre l’anglais, il fut ensuite transféré à l’orphelinat de Long Island. La poète Anne Spencer devint son enseignante privée à Lynchburg en Virginie . Ainsi, Ota apprit l’anglais de sorte d’être en mesure de suivre une éducation à l’école primaire. A l’issue de sa formation, il quitta toute forme d’éducation et occupa divers emplois. Il fut notamment travailleur dans une usine de tabac.

Un retour impossible sur sa terre

Aux prémices de la Première Guerre mondiale, Ota Benga réalisa que son retour au Congo était impossible. En effet, tout transport intercontinental qui n’était pas militaire était devenu impossible. De plus, l’argent qu’il possédait ne suffisait pas à couvrir le coût du transport. Ces séries d’infortune eurent raison de lui, il devint dépressif. Il fit un feu de rituel, arracha ses nouvelles dents et se tira une balle dans le coeur avec un pistolet volé, le 20 mars 1916. Enterré deux jours plus tard au cimetière public de Lynchburg, sa tombe a été rendue anonyme. Ishi, son ami lui aussi exposé au zoo du Bronx, le dernier des Yahi, au destin presque similaire, s’éteignit 5 jours plus tard.

Un devoir de mémoire

Le sculpteur américain Casper Mayer réalisa un buste d’Ota Benga en 1906. Pygmy à la place de son nom. Ce buste a pu être vu lors de l’exposition Exhibitions, L’invention du sauvage au musée du Quai Branly, à Paris en 2012.

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Buste en plâtre d’Ota Benga © AMNH

Aussi, plusieurs organisations ont été créées afin de rendre hommage aux Pygmées, tels que l’Ota Benga, comme Alliance for Peace, Healing and Dignity au Congo, ou encore le collectif d’artistes afro-américains Otabenga Jones and Associates, fondé à Houston, au Texas. Des conférences portant sur Ota Benga sont également organisées à l’université de Lynchburg, en Virginie. Par ailleurs, le cinéma s’est inspiré de la vie d’Ota Benga. Le personnage de Ngunda Oti joué par l’acteur Rampai Mohadi dans le film L’Étrange Histoire de Benjamin Button (2008) s’inspire de lui. Le film The Fall (2006) s’en réfère également.

Sources:

Wikipédia

Une autre histoire

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