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Miriam Makeba, Mama Africa ou la voix de l’engagement

Culture

Miriam Makeba, Mama Africa ou la voix de l’engagement

Par Noella 24 février 2018

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Miriam Makeba, celle que l’on surnommait affectueusement Mama Africa est-elle encore à présenter ? Celle qui a envouté les coeurs avec sa voix particulière a marqué des générations à travers le monde. Plus que chanteuse, Miriam Makeba fut aussi une figure du militantisme, notamment contre le régime d’apartheid.

Miriam Makeba, à ce jour l’artiste africaine la plus connue à l’échelle planétaire, est l’auteur du célèbrissime Pata Pata. Elle sera la première femme noire à obtenir un Grammy Award pour son titre An evening with Harry Belafonte and Miriam Makeba en collaboration avec Harry Belafonte au début des années 60.

Née le à Johannesburg (Afrique du sud) et décédée le  à Castel Volturno (Italie), Makeba est plus qu’une chanteuse d’ethno-jazz. Militante politique sud-africaine – naturalisée guinéenne dans les années 1960, algérienne en 1972, puis citoyenne d’honneur française en 1990 – elle s’est farouchement investit dans la lutte contre l’apartheid dans son pays, une figure de proue dans ce combat.

© BAHA Published in Drum EA Jan 1963 Miriam Makeba with Kikuyu people campaigning for Jomo Kenyatta 1962

Miriam Makeba & le peuple Kikuyu, Jomo Kenyatta 1962

Le saviez-vous, le nom complet de Miriam Makeba était Zenzile Makeba Qgwashu Nguvama… Maintenant vous savez.

Une histoire pas facile…

Miriam Makeba n’a que quelques jours quand sa mère Swazi est emprisonnée pour six mois. Le motif ? Avoir fabriqué de la bière maison afin de subvenir aux besoins de sa famille. Son père Xhosa meurt lorsque la fillette a à peine cinq ans. En 1948, les nationalistes afrikaners gagnent les élections. C’est le début de l’apartheïd.
À l’âge de 20 ans, Makeba, bonne d’enfants puis laveuse de taxis, vit seule avec sa fille Bongi qu’elle a eu à 17 ans, et sa mère. Elle est alors une femme divorcée d’un mari qui l’a quittée… C’est un peu par la force des choses qu’elle commence à chanter avec les Cuban Brothers, des  pros du divertissement. Par la suite, elle devient choriste des très populaires Manhattan Brothers, un jazz band sud-africain en 1952. C’est d’eux que viendra son nom de scène « Miriam ». Elle les accompagnera en tournée à travers les Etats-Unis en 1959.
Si elle devient très rapidement une vedette, elle se sert de cette nouvelle carrière et de sa notoriété naissante pour dénoncer le régime de l’apartheid.
En 1956, Makeba écrit son plus grand succès, la chanson Pata Pata, avec laquelle elle fait le tour du monde. Tube qui sera d’ailleurs repris en français par Sylvie Vartan sous le titre Tape Tape en 1980 ou encore Coumba Gawlo en 2011.

Exilée durant plus de trois décennies…

En 1959, Miriam Makeba est contrainte à un exil qui durera 31 ans en raison de son apparition dans le film anti-apartheid Come Back, Africa de Lionel Rogosinun, cinéaste américain indépendant connu pour avoir travaillé hors du système hollywoodien dans les années 1950. Elle épouse Sonny Pillay la même année. Lorsque sa mère meurt en 1960, elle ne peut assister à ses obsèques, du fait de son interdiction de séjour en Afrique du Sud. C’est avec un passeport français qu’elle reviendra sur sa terre natale à la libération de Nelson Mandela, emprisonné avec la plupart des dirigeants de l’ANC (Congrès National Africain) au pénitencier de Robben Island.
En 1965, elle épouse son ami de longue date, le musicien sud-africain Hugh Masekela de qui elle divorce en 1966.

Miriam Makeba : celle qui a fait retentir sa voix au-delà de l'Afrique

Une des affiches du film Come Back, Africa de Lionel Rogosin

Miriam Makeba : le chant en signe de protestation

Makeba ne cessera de prononcer des discours anti-apartheid et d’appeler au boycotte du régime sud-africain en vigeur devant les Nations Unies. Elle chante en zoulou, en xhosa, en tswana, en swahili et même en arabe pendant les Jeux Africains de 1978 à Alger (Algérie). Ses mélodies envoûtantes et touchantes prônent la tolérance et la paix. Elle vit partout, libre et traquée à la fois, aux États-Unis, en Guinée, en Europe. Elle est devenue le symbole de la lutte anti-apartheïd. Dans ses chansons, pas d’amertume, mais une dignité à toute épreuve.
Son mariage en 1969 avec le militant pour les droits civiques des afros américains Stokely Carmichael, co-fondateur et cerveau  des Black Panthers, lui cause des ennuis aux États-Unis. Elle s’exile à nouveau et s’installe en Guinée. Elle se sépare de Carmichael en 1978 et en 1980, dans ce pays où la polygamie est légale, devient la deuxième épouse de Bageot Bah, un Guinéen influent, directeur à la Sabena (une compagnie aérienne belge basée à Conakry).
Après la mort du président guinéen Ahmed Sékou Touré et le coup d’état de Lansana Conté en 1984, et la mort de sa fille Bongi, en 1985, des suites d’une fausse couche, Miriam Makeba part pour Woluwe-Saint-Lambert, dans la banlieue bruxelloise.

Miriam Makeba : celle qui a fait retentir sa voix au-delà de l'Afrique

Retour au pays…

En 1987 Miriam Makeba rencontre à nouveau le succès grâce à sa collaboration avec Paul Simon sur  l’album Graceland. Peu après, elle publie son autobiographie Makeba : My Story.
Miriam Makeba est décorée par la France au titre de Commandeur des Arts et Lettres en 1985 et devient Citoyenne d’Honneur 1990.
En 1990, Nelson Mandela la persuade de rentrer en Afrique du Sud.
En 1992, elle interprète le rôle de la mère, Angelina, dans le film Sarafina ! qui raconte les émeutes de Soweto en 1976. En 2002, elle partage le Polar Music Prize avec Sofia Gubaidulina.
Makeba a toujours rêvé d’une grande Afrique unie. Pour son pays, elle exhortait ses frères noirs au pardon.

Miriam Makeba : celle qui a fait retentir sa voix au-delà de l'Afrique

R.I.P. MM

« Il faut nous laisser grandir. Les Noirs et les Blancs doivent apprendre à se connaître, à vivre ensemble ».

Le 16 octobre 1999, elle a été nommée Ambassadrice de bonne volonté de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Elle avait annoncé en 2005 qu’elle mettait fin à sa carrière, mais elle continuait de défendre les causes auxquelles elle croyait. C’est ainsi qu’un dimanche 9 novembre 2008, Mama Africa rend son dernier souffle à l’âge de 76 ans, à Castel Volturno (Province de Caserte en Italie), alors qu’ elle devait se produire sur scène en soutien à l’auteur de Gomorra, Roberto Saviano, traqué par la Camorra, un puissant réseau mafieux italien. La chanteuse devait succéder à d’autres artistes et attendait le rappel du public, lorsqu’elle a été découverte gisant sur le sol, évanouie. Transportée à l’hôpital, elle est décédée à la clinique Pineta Grande de Castel Volturno, des suites d’une crise cardiaque.

« J’ai conservé ma culture, j’ai conservé la musique de mes racines. Grâce à elle, je suis devenue cette voix et cette image de l’Afrique et de son peuple sans même en être consciente», avait écrit Miriam Makeba dans son autobiographie ».