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Une employée dénonce le racisme chez Abercrombie & Fitch

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Une employée dénonce le racisme chez Abercrombie & Fitch

Par Sandro CAPO CHICHI 16 avril 2015

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Déjà attaqué à plusieurs reprises pour politique discriminatoire contre les mannequins et vendeurs issus de minorités ethniques, la marque de vêtements américaine Abercrombie & Fitch a de nouveau subi une attaque publique à ce sujet par une de ses employées.

Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr

Nos lecteurs vivant en Amérique et en Europe connaissent peut-être Abercrombie & Fitch, cette marque de vêtements connue pour recruter son personnel pour son physique, son sexe et sa race blanche. Non, je n’exagère pas, car il s’agit des conclusions atteintes par un procès en 2004 qui avait conduit la firme à payer 50 millions de dollars aux minorités noires, latinos, asiatiques et aux femmes discriminées dans ses pratiques d’embauche, qui si elles étaient recrutées, l’étaient à des positions de faible visibilité comme le nettoyage, le travail en entrepôt ou en fond de magasin. Le PDG de la marque Mike Jeffries qui a quitté son poste en décembre dernier n’avait pas fait secret de son choix de recruter des gens basés sur leur physique en déclarant : « Nous embauchons des gens beaux parce qu’ils attirent d’autres gens beaux, et nous voulons nous adresser à des gens cool et beaux qui ont les moyens » ou qu’il ne voulait pas que des gens moches ou en surpoids portent ses vêtements. Malgré la plainte qui força l’entreprise à poursuivre ses pratiques discriminatoires, celles-ci continuèrent manifestement de plus belle. On en veut pour preuve le témoignage d’une employée à ce sujet, quelques dix ans après la plainte en question, publié sur le site xojane et traduit en intégralité et en exclusivité par NOFI.

Une séquence de recrutement d'Abercrombie & Fitch dans sa seule boutique parisienne

Une séquence de recrutement d’Abercrombie & Fitch dans sa seule boutique parisienne

Je ne suis pas vraiment sûre de ce qui me passa par la tête quand deux beaux gosses mannequins vinrent vers moi au centre commercial et me dirent que j’avais l’apparence parfaite pour Abercrombie and Fitch.

« Hein, mon apparence? ».

“Ouais, ton look est génial ».

Trois mois plus tard je portais un cardigan à paillettes, une mini-jupe blanche à fanfreluches et une chemise en flannelle bien pliée avec en fond musical la dernière playlist de musique house.

Un uniforme des plus 'modestes' d'Abercrombie & Fitch

Un uniforme des plus ‘modestes’ d’Abercrombie & Fitch

Parce que j’étais une étudiante fauchée avec un budget misérable de 100 dollars pour manger pendant le semestre entier, j’avais décidé d’accepter de travailler à temps partiel à Abercrombie dans l’espoir de socialiser en dehors de l’université et pour avoir un peu d’argent de poche pour manger. Je n’étais pas sûr de ce dans quoi je m’engageais, à part d’une boutique de vêtements ultra-parfumée à l’ambiance de boîte de nuit et avec des collègues vendeurs particulièrement beaux et belles.

J’avais accepté à contrecoeur l’offre du recruteur de me rendre à un entretien d’embauche et m’étais dépêchée de préparer un CV rempli d’activités du lycée et de clubs. J’étais totalement sur-préparée. Trois autres aspirants à un poste et moi-même espérant être embauchées pour un poste de ‘mannequin’ (l’euphémisme d’Abercrombie pour les vendeurs qui ne font rien d’autre que plier des vêtements) arrivèrent pour un entretien d’embauche collectif qui dura à peine 10 minutes. L’entretien comprenait 4 questions sur la ‘diversité ethnique’ dans ce que je pense être une tentative de s’accommoder aux procès et aux accusations de racisme du passé que l’entreprise avait reçu dans le passé.

Quelques jours plus tard, j’étais recrutée et je commençais la formation. Celle-ci, pendant laquelle des photos de nos visages furent prises et nous fûmes obligés d’apprendre des répliques complètement artificielles du genre « Hey Comment ça va? » ou « Bienvenue à Abercrombie », dura cinq heures.

On nous avait fait croire que ces photos prises de nous (qui étaient envoyées au siège d’Abercrombie) pourraient nous offrir des opportunités pour devenir mannequins dans des catalogues et des campagnes de publicité d’Abercrombie. En réalité, ce n’était pas le cas car les ‘mannequins’ de boutique ne sont pas les mêmes mannequins que ceux qui apparaissent dans les publicités et qui sont des mannequins professionnels recrutés à partir d’agences.

Je n’avais pas vraiment une image négative d’Abercrombie quand je commençais à travailler ici. OK, c’était mon premier travail et OK c’était de la vente et ça payait 9 dollars de l’heure. Maais c’était quand même un environnement cool et drôle où je pouvais me mêler à d’autres employés qui étaient un mélange d’étudiants comme moi et de beaux et de belles mannequins professionnels. Ce n’est que quand j’ai remarqué à quel point l’environnement était toxique et superficiel que j’ai commencé à avoir des problèmes d’éthique à travailler là-bas.

Ces dernières années, la réputation d’Abercrombie en a pris un coup en raison d’une génération d’adolescents qui ont réalisé que des pulls hors de prix avec des logos dessus ne sont pas cools, mais aussi avec l’ensemble des procès pour discrimination raciale intentés à la société et les propos discriminatoires prononcés par l’ancien PDG Mike Jeffries.

Mike Jeffries

Mike Jeffries

Parce que ma boutique était le magasin phare de la marque, le PDG nous rendait souvent visite. Quand il le faisait, les managers de la boutique se dépêchaient de s’assurer que les mannequins dans la boutique étaient ‘la crème de la crème’. Malheureusement cela voulait souvent dire les mannequins les plus grands, les plus minces et les plus blancs.

des mannequins-vendeurs Abercrombie & Fitch

des mannequins-vendeurs Abercrombie & Fitch

Un cas particulièrement répugnant était celui où la plupart des mannequins noirs étaient renvoyés chez eux une heure avant la fin de leurs horaires juste avant que la visite de Jeffries soit programmée. Un des mannequins se plaigna anonymement à la hotline de la société de racisme de la part du manager et l’équipe de sécurité mena une enquête. Le manager, bien sûr, nia toute discrimination raciale. Malheureusement l’enquête ne mena nulle part parce qu’il n’y avait pas assez de preuves pour prouver que ses actions étaient motivées racialement.

Lors d’un autre incident, on ordonna à un mannequin de quitter la boutique plus tôt avant la visite de Jeffries. Quand elle demanda pourquoi, le manager lui dit ensuite qu’elle pouvait seulement rester si elle porter l’uniforme de caissière. J’ai eu envie de vomir quand ce mannequin -qui était aussi mon amie- m’a dit qu’elle pensait que le manager lui avait dit ceci parce qu’elle n’était pas assez belle.

Ce sont juste des incidents parmi tant d’autres qui se produisaient quand Mike Jeffries devait se rendre à notre boutique. Ceux qui travaillaient en entrepôt n’étaient pas autoriser à apparaître en boutique durant ses visites. Les mannequins professionnels devaient travailler spécifiquement ces jours-là, alors que les mannequins qui ‘étaient passés à travers les mailles du filet’ (ce que mon manager a littéralement dit pour décrire les mannequins qui n’étaient pas aussi beaux) étaient renvoyés chez eux.

Il n’y a eu qu’un seul ‘hôte’ noir dans toute la boutique et il était aussi le premier ‘hôte’ noir choisi en cinq ans. CINQ ANS! Quand l’autre mannequin noir choisi pour ce poste demanda aux managers pour quelle raison il n’avait pas été choisi pour ce poste, on lui dit que son apparence n’était pas assez ‘exotique’.

Alors que ces événements se révélaient les uns après les autres, je commençais à me demandais si j’allais continuer à travailler pour la société. En plus des innombrables incidents discriminatoires, nous étions aussi régulièrement sujets à des avances sexuelles par des clients. L’uniforme de mannequin que nous devions porter variait des mini-shorts qui couvraient à peine nos fesses aux mini-jupes qui rendaient impossibles de nous pencher sans que des touristes regardent nos fesses en transpirant.

Une fois, j’avais été suivie par un groupe d’hommes dans le magasin entier, alors qu’ils faisaient des commentaires grossiers sur mon ‘beau cul’. Une autre fois, un client vint me voir et avec le peu d’anglais qu’il connaissait, remercia la boutique de ne pas embaucher des femmes ‘grosses et moches’.

J’ai fini par détester venir au travail. Ce qui était au début un travail drôle et tranquille me rendait mal à l’aise et j’hésitais de plus en plus à mettre mon uniforme de mini-shorts et de hauts décolletés. J’en avais marre de devoir expliquer aux clients confus pourquoi la taille des chemises des hommes allait jusqu’à XXL alors que celle des femmes n’allait que jusqu’à L pour les hauts et jusqu’à 40 pour les femmes.

J’ai progressivement arrêté de venir travailler et ai restreint mes disponibilités. Je suis toujours liée à eux professionnellement, et alors que je suis à la recherche d’un autre emploi dans la vente, je viens une ou deux fois par mois pour faire des remplacements chez eux.

Bien que j’ai rencontré beaucoup d’amis proches à Abercrombie et que je leur suis reconnaissante pour cela, mon expérience m’a appris que quoi que l’entreprise prétend être, rien n’a vraiment changé et qu’elle est toujours la même marque insipide et superficielle qu’elle était quand les procès pour racisme ont commencé il y a dix ans.

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