Mamedy Doucara : « On est tous des chercheurs d’Or »
Société

Par Abou Cissé 24 avril 2015
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A l’occasion de notre éditorial consacré aux Noirs de France, nous avons interviewé Mamedy Doucara, sportif français d’origine malienne, qui a été champion du monde de Taekwondo en 2001 et qui est aussi photographe professionnel. Dans cet entretien, l’homme de 33 ans est revenu sur son projet de série de photos de sportifs à la quête de l’or olympique qui est sorti en novembre 2014 en livre « Chercheur d’Or ». Plusieurs de ses photos ont en autre fait la une de l’Équipe magazine. Par ailleurs, il s’est confié sur son retour à la compétition pour décrocher un ticket pour les Jeux Olympiques de Rio 2016.
Par Abou Cissé et Steffi Mateta
NOFI : Comment se passe votre préparation pour les Jeux Olympiques de Rio 2016 ?
Mamedy Doucara: C’est un peu tôt pour le dire. Ça reste un objectif mais pour l’instant je ne suis pas sélectionné. Le critère principal pour pouvoir disputer les JO est de figurer dans les six premiers mondiaux à partir de décembre 2015. J’en suis un peu loin. Et si jamais je ne suis pas dans les six premiers mondiaux à partir du mois de décembre, il me restera en janvier ou en février 2016 un tournoi de qualification européen. Le but à atteindre est la finale pour pouvoir apporter un quota à la France pour les Jeux olympiques dans ma catégorie (-80kg ndlr). En dehors des championnats, il y a aussi les grands prix comme autre moyen de qualification. C’est un accès réservé à une élite et pour y figurer, il faut être dans les 32 premiers. Actuellement, je suis à 20 points du 32ème. Pour le rattraper, il faut que je gagne beaucoup de points dans des tournois.
A la suite de vos propos, l’objectif va être compliqué à atteindre pour participer aux Jeux Olympiques de Rio ?
Bien sur, déjà ce qu’il faut savoir c’est qu’au jeux dans ma catégorie (-80kg, ndlr), 7 personnes sont sélectionnés. Quoiqu’il arrive les jeux dans ma discipline reste un accès vraiment très restreint. il y aura 7 personnes qui seront retenues alors qu’il y a plus d’une centaine de nations représentées dans les championnats du monde. Ça reste difficile mais en même temps tout se joue dans la durée on n’est pas dans un système de qualification sur un jour. Il faudra être le plus régulier possible et ceux qu’ils font preuve de confiance seront les premiers qualifiés.
Un mot sur le retour en compétition la semaine dernière de Pascal Gentil, autre figure important de votre discipline le Taekwondo ?
Connaissant Pascal c’est un homme de défi. Il a fait ça pour le challenge. Après je pense que le challenge n’aura pas de suite c’était uniquement pour le championnat de France.
Vous avez sorti à la fin de l’année 2014, votre livre photos les chercheurs d’or. Une série de photo de sportifs à la quête de l’or olympique. Comment vous est venue l’idée ?
Après ma déception de ma non-qualification pour les JO de Londres 2012, je me suis dit si je ne peux pas les faire les jeux dans ma discipline autant essayer de le faire dans mon métier. Et donc de là, j’ai commencé à réfléchir à une idée simple, percutante qui soit comprise de tous et aussi également facile à réaliser. C’est à dire qui ne pose pas trop de contraintes pour les sportifs. Au moment où, je me suis lancé dans cette aventure c’était à pratiquement moins de six semaines des jeux de Londres. Les athlètes sont concentrés sur leur objectifs et c’est difficile de chambouler leurs plannings. Le but pour moi dans une série de photos c’est d’amener un côté décalé dans mon travail, d’interpeller et de provoquer dans un cadre respectueux. Pour moi, le sport et l’art sont deux choses que l’on peut associer. J’essaie de le mettre en pratique dans ma photo.
Qu’est ce que pour vous un chercheur d’or dans le sport ?
C’est un champion qui a l’ambition d’aller jusqu’au bout, de se donner les moyens et qui est loin du “sport spectacle”. Aujourd’hui, les gens voient la vitrine mais ne connaissent pas les coulisses. Pour donner un exemple concret c’est beau de voir gagner Usain Bolt. Mais moi ce qui m’intéresse le plus, c’est qu’est-ce que fait cet athlète pour pouvoir être aussi performant et aussi fort. C’est cette part là qui m’intéresse car c’est aussi mon quotidien. Pour moi le défi, c’était de regrouper tous les sports sans exception sous les mêmes valeurs et ça c’est un élément qui nous réunit tous. Après il y a les gagnants et les perdants. La clé reste la même, cette ambition d’aller chercher l’or.
Et dans la vie de tous les jours ?
Pour les personnes sédentaires ou pas sportives du tout, c’est qu’on est tous finalement des chercheurs d’or. C’est simplement les centres d’intérêts qui diffèrent. Dans ma vie, mon objectif c’est d’être champion olympique ou d’aller chercher des titres européens ou d’être le meilleur photographe et d’avoir les meilleurs idées. Chercheur d’or ce n’est pas seulement la quête à d’un objet ou d’argent, on peut le remplacer par ambition. Vous, vous êtes chercheur d’or par rapport aux objectifs que vous vous êtes fixé. On est tous des chercheurs d’or sur le terrain et au delà du sport.
Votre série de photos a été exposée plusieurs fois à Paris. Quelle est la prochaine étape au niveau de la photographie ?
Dans mon domaine, j’ai pour habitude de présenter mes séries comme un événement parce que mes séries c’est un travail personnel. Il ne s’agit pas d’une commande pour un magazine ou pour un client. C’est vraiment mon identité. C’est ce que j’ai au plus profond de moi sans qu’on me met de veto pour le réaliser. J’aimerais continuer à développer d’autres séries et amener les sports sur le terrain de l’art et après par ailleurs j’aimerais me développer dans d’autres réseaux car je suis très porté sports. J’aimerai bien travailler dans le monde de la musique ou du cinéma parce que ce sont des milieux qui m’inspirent beaucoup.
«Je suis le premier africain noir à être champion du monde»
Quels sont vos secrets pour combiner sport et tous vos projets professionnels ?
Des secrets, il n’y en a pas tant que ça. On me fait souvent la réflexion ou plutôt on me souligne ma qualité de faire beaucoup de choses et de bonnes choses. Par contre c’est du temps. Quand mes camarades d’entraînement rentrent à la maison et se reposent, je suis toujours au boulot. A partir du moment où je suis à la maison, je change de casquette. Je vais sur mes réseaux de photos. Je fais mon administratif. En tant que photographe indépendant, je suis présent sur les réseaux sociaux. Je suis mon propre chef tout le temps en flux tendu ou en continu. Je suis tout le temps en train de bosser c’est pour ça que les deux fonctionnent pas mal. Le sport m’a aidé à devenir l’homme que je suis devenu et ce qui m’a permis d’avancer plus vite qu’un photographe lambda c’est le fait de côtoyer sur le site de l’insep des sportifs. Le réseau c’est une chose mais il faut la qualité derrière et je suis très exigeant sur mon travail et c’est quelque chose de très important, le tout combiner ça fonctionne et il faut continuer.
Aujourd’hui, est-ce que vous avez un projet qui vous tient plus à cœur que l’autre ?
Non pas encore car j’évolue entre deux mondes. Maintenant, je n’ai pas de projet qui me passionnerait plus parce que je fais, ce que je pense, être réalisable. Et je ne suis pas encore dans un schéma où je me dis j’ai fait tellement de choses. Je vis le moment présent en fonction de mon évolution. Je ne suis pas dans la projection. J’ai des compétitions tout le temps. Chaque séance photo c’est une compétition. Je réussis une séance photo et on amène du crédit à mon boulot. Je suis dans un challenge perpétuel.
Auriez-vous un mot pour nos lecteurs pour les encourager et donner le meilleur d’eux même ?
Croyez en vos capacités. Parce que moi dans tout ce que j’ai pu faire personne n’aurait parié que je serais champion du monde. Je suis le premier africain noir à être champion du monde. Franchement en étant jeune et même dans mes rêves, je n’aurais jamais imaginé être champion du monde. Mais le travail accompli derrière m’a permis d’arriver où je suis. Il faut croire en ses capacités et aller au bout et se donner les moyens. Le problème en France est qu’on a tendance à se mettre des barrières avant même d’avoir commencé. Il faut essayer de ne pas baisser les bras et là vous découvrirez que vous êtes beaucoup plus que ce que vous pensez. C’est le sport qui m’a donné cette mentalité. A la base, je ne suis pas quelqu’un qui croit en moi sur tout ce que je fais. Avec le sport, j’ai appris à croire en moi à connaître mes capacités parce que je me suis mis en danger dans certains moments. Et dans ces situations là, on se découvre. Il faut croire en ses rêves et en soi et derrière mettre les choses en place pour les réaliser.