Présidentielle au Nigeria : « Un résultat serré mettrait le feu aux poudres »
Politique

Par Sébastien Badibanga 30 mars 2015
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Depuis samedi 28 mars, 62 millions de Nigérians votent pour choisir entre Goodluck Jonathan, président sortant et Muhammadu Buhari, son concurrent. Placé sous haute tension, ce scrutin est endeuillé par la mort de plus d’une dizaine de personnes tuées devant des bureaux de vote. Contacté par Nofi, Michel Galy, spécialiste de l’Afrique à l’Institut des relations internationales de Paris, met en garde contre un embrasement.
(Interview Nofi)
Nofi : Beaucoup de personnes se demandent pour qui roule Boko Haram…
Michel Galy : C’est compliqué à dire parce que les journalistes ne sont pas autorisés à tourner dans le fief de Boko Haram. Mais, nous pouvons faire des suppositions. Même si les hypothèses sont contradictoires, nous savons que si la secte islamiste neutralise les Etats du nord, notamment celui de Borno, cela rendrait service à Goodluck Jonathan. En clair, si cet électorat qui plébiscite Muhammadu Buhari ne se déplace pas pour aller voter, c’est le président sortant qui en tirera profit. Alors que si les islamistes mettent en valeur l’incompétence et la faiblesse militaire du chef d’Etat nigérian, cela avantagerait l’opposition.
Cette élection présidentielle est perturbée par des violences meurtrières. Comment expliquez-vous cette tension ?
Malheureusement, il y a eu au moins 15 morts. Mais, c’est très peu par rapport aux 2 000 personnes tuées par la secte islamiste dans des villages, et aux 10 000 autres de l’année dernière. Nous pouvons donc affirmer que ce sont des violences limitées. Les militaires, policiers et autres militants armés ont réussi à dissuader le groupe terroriste de perturber davantage ce scrutin, de l’intérieur et de l’extérieur. D’autant plus que l’armée tchadienne affaiblit de jour en jour les jihadistes.
Au-delà du conflit militaire, est-ce que ce scrutin se déroule dans les conditions de l’art ?
Les esprits sont remontés. Les militants pro-Jonathan n’accepteront pas de perdre. En plus, il y a des rumeurs de corruption et trucage qui parasitent le vote. L’opposition accuse le président sortant d’avoir capitalisé sur le mois de report de l’élection afin de tricher. Ce serait dangereux que les deux candidats se tiennent dans un mouchoir de poche. Ce serait la porte ouverte à toutes les contestations.
Quels sont les défis que le nouveau président devra relever ?
Il faut d’abord rappeler que le Nigeria est le pays le plus riche de l’Afrique grâce à ses revenus pétroliers. Cependant, c’est aussi le pays le plus inégal sur le plan de répartition des richesses, ainsi que du point de vue géographique. Le nord est défavorisé tandis que le sud est favorisé. Les violences qui touchent les trois Etats du nord constituent le problème majeur de cette nation. Et pour cause, Boko Haram prévoit d’y installer un Etat islamique, de faire sécession voire de se soulever.
A ce sujet, est-il encore possible de réconcilier les chrétiens avec les musulmans ?
L’Etat a cédé sur la laïcité lors de cette dernière décennie, en permettant aux Etats du nord d’appliquer une certaine forme de charia. En outre, il faut savoir que tous les musulmans du Nigeria ne sont pas concentrés au nord du pays et tous les chrétiens ne se trouvent pas au sud. Il faudrait un pouvoir avec un président musulman et avec un pouvoir militaire fort afin de remettre de l’ordre dans le nord, car Jonathan refuse l’alternance.