Loi américaine sur l’interdiction du port de sweats à capuche : coup de main ou coup dur pour les Noirs?
Société

Par Sandro CAPO CHICHI 5 janvier 2015
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Un sénateur de l’état américain de l’Oklahoma a récemment proposé une loi qui interdirait le port de capuches et d’autres couvre-chefs cachant l’identité de personnes. L’objectif annoncé de la loi,qui est d’empêcher des agressions a toutefois reçu un certain nombre de critiques, notamment au sein de la communauté afro-américaine, à laquelle le port de sweats à capuches est largement associé.
Par Sandro CAPO CHICHI / nofi.fr
Une loi originellement créée contre le Ku Klux Klan
Le sénateur de l’Oklahoma Don Barrington a récemment présenté l’amendement d’une loi qui interdirait le port de tout vêtement cachant le visage d’individus sous peine d’avoir à payer une amende allant jusqu’à 500 dollars. Cette loi a toutefois des antécédents dans l’Oklahoma. Dès les années 1920, une loi interdisant le port de couvre-chefs cachant l’identité avait été adoptée pour empêcher les crimes de l’infâme Ku Klux Klan qui ne se produisaient qu’avec le port d’un masque.
Une attaque contre la communauté noire?
Aujourd’hui, la loi s’étendrait donc à tous les contextes de la vie civile. Enfin presque tous, puisque la loi ne s’appliquerait pas dans le cas de couvres-chefs portés pour des raisons de religion, de temps, ou de fêtes comme Halloween. Si la loi ne semble pas devoir biaiser les membres de différentes communautés religieuses, on peut se demander si elle n’entraîne en revanche pas un biais envers les communautés ethniques. Le sweat à capuche ou ‘hoodie’ est en effet clairement associé à la ‘culture urbaine’, laquelle est très souvent un euphémisme pour désigner la culture noire.

Une peinture de la série KKK (Kin Killin Kin / frères tuant leurs frères) de James Pate où il comparaît les capuches de jeunes criminels noirs à celle du Ku Klux Klan étaient-elles prémonitoires pour l’Oklahoma?
Cette loi serait-elle alors une attaque déguisée contre la communauté noire? Certains habitants de l’Oklahoma interrogés par la chaîne de télévision KFOR pensent qu’elle pourrait causer des tensions dans celle-ci et pousser la police à s’attaquer à des Noirs portant des sweats à capuche. Mais au vu de l’affaire Trayvon Martin apparemment tué par George Zimmerman en raison de son port de sweat à capuche, ne pourrait-on pas penser que le respect de cette loi pourrait contribuer à chasser les stéréotypes associés aux Noirs et leur supposée participation aux crimes?
A notre avis, ce n’est pas le cas. Interdire le port d’une capuche n’enlèvera pas la pauvreté, l’isolement social, le désoeuvrement, le manque d’éducation et toutes les conditions qui créent la délinquance. Le stéréotype et la crainte associés à la violence des Noirs se déplacera alors de manière plus dangereuse sur des caractéristiques encore plus générales comme la couleur de peau.
Comparez avec:
Une mesure peu crédible à l’échelle nationale
C’est pour une situation quelque peu similaire qu’avait opté la direction de la NBA en 2005, bannissant le port de toute tenue ‘urbaine’ pour les joueurs de la NBA en apparition officielle avec leur équipe. Si cette mesure avait été respectée et avait contribué au frein d’attitudes ‘gangsta’ chez les joueurs du championnat, on est certes dans une situation similaire, mais clairement pas identique.
Le jeune désoeuvré base souvent son attitude rebelle par opposition et par défi à la loi, n’en craignant généralement pas les conséquences. Le joueur NBA, lui, ne risquerait pas son salaire et ses contrats publicitaires pour une affaire de garde-robe. En outre, le salaire du basketteur pro lui permettra sans doute de remplacer tous les sweats à capuche de sa garde robe par des cols roulés et des parapluies, ce qui ne sera probablement pas le cas des plus de 610000 habitants de l’Oklahoma qui en 2010 vivaient en dessous du seuil de pauvreté.
On conclura que la généralisation de cette loi dans les autres états du pays nous paraît d’autant moins crédible qu’elle entraînerait nécessairement de grosses pertes financières pour des marques de streetwear dont le ‘hoodie’ est devenu une pièce incontournable des collections. Même si la loi proposée en Oklahoma n’interdit pas les vêtements à capuches en eux-mêmes mais le port de capuches sur la tête, on peut penser qu’elle générera effectivement des pertes que ces lobbies que constituent les marques de streetwear et autres équipementiers sportifs pourraient difficilement laisser passer.