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Anicet Mobe : « Le sort de Kabila est lié au respect de la constitution »

Politique

Anicet Mobe : « Le sort de Kabila est lié au respect de la constitution »

Par Sébastien Badibanga 29 janvier 2015

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L’intense mobilisation politique des Congolais dans plusieurs villes du pays a désarçonné le Président Joseph Kabila qui ne cache plus son pathétique désarroi. Pris de panique, son entourage se fissure et sombre dans la confusion. Nofi a rencontré Anicet Mobe, chercheur congolais en sciences sociales, pour analyser ensemble les véritables enjeux de ce qui se passe dans l’ancienne colonie belge. Interview

(Interview exclusive NOFI)

Nofi : Selon-vous, pourquoi les Congolais sont tout d’un coup descendus dans les rues pour réclamer le départ du président Joseph Kabila ?
Anicet Mobe : Je suis étonné de l’étonnement des gens face à cette intense mobilisation politique des Congolais. L’indocilité politique face à l’arbitraire du pouvoir politique est inscrite dans l’ADN des Congolais depuis l’aube de la colonisation. Pour ne s’en tenir qu’aux 60 dernières années, nous pouvons rappeler le soulèvement populaire du 4 janvier 1959 face aux atermoiements du pouvoir colonial belge qui était sourd au mouvement de l’histoire. Alors que la France et la Grande-Bretagne étaient engagées dans un processus de décolonisation de leurs empires coloniaux, la Belgique n’envisageait aucune perspective en termes de décolonisation.  Les récents événements expriment la ferme détermination des Congolais à refermer la funeste séquence électorale émaillée d’escroquerie politique (2007) et des fraudes massives avérées en 2001. Les velléités de révision constitutionnelles visaient à prolonger cette pitoyable escroquerie.
Que signifie le retour en arrière du Parlement congolais ? Cela veut dire que Kabila renonce définitivement à candidater à sa propre succession ?
Effectivement, on peut s’interroger sur la position exprimée par le président de la chambre des députés. Rien ne permet d’indiquer qu’elle reflète l’opinion du chef de l’Etat qui, jusqu’à présent, reste muet. Par ailleurs, observons que le président a reçu en audience les ambassadeurs de France, de Belgique, de l’Union européenne ainsi que les représentants de la Monusco, qui lui ont demandé samedi de retirer le projet de loi électorale qui subordonnait la tenue de l’élection présidentielle au recensement général. Ces ambassadeurs ont également rencontré les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ce silence assourdissant de Kabila ne laisse rien présager de bon. Cela pourrait être une manœuvre de diversion pour tenter un passage en force en utilisant le prétexte de trouble à l’ordre public, afin de retarder l’organisation des élections. Toutefois, l’intense mobilisation des citoyens congolais démontre que ces derniers sont déterminés à réinvestir le champ politique pour peser sur la constitution de l’échiquier politique.
Pensez-vous que le peuple congolais est capable d’égaler la performance des Burkinabés qui ont chassé le président Blaise Campaoré du pouvoir ?
Le peuple congolais a démontré tout au long de son histoire politique qu’il est capable de remporter des victoires décisives. Les colonies françaises -notamment le Burkina Faso- étaient programmées à accéder à l’indépendance dès 1958, mais la RDC a finalement arraché son indépendance avant les colonies françaises alors que la Belgique n’avait rien prévu la même année. Rappelons les révoltes populaires des années 63-65 qui ont été écrasées par une intervention militaire belgo-américaine en novembre 1964. Il a fallu une marche pacifique des chrétiens noyée dans le sang le 16 février 1992 pour qu’enfin, le président Mobutu accepte de rouvrir les travaux de la conférence nationale souveraine. Ainsi, donc, exhortés par les reculades d’une majorité présidentielle qui a sombré corps et biens, les Congolais s’emploient à consolider leur éclatante victoire.

congo

D’après vous, le peuple congolais regonflé à bloc par l’infléchissement des pouvoirs publics ira jusqu’au bout. Alors, quelles sont les marges de manœuvre de Kabila ? 
Il n’a aucune marge de manœuvre. Et il n’en a jamais eu : car son accession au pouvoir est redevable des ingérences étrangères tant sur le plan militaire, diplomatique que géopolitique : ce sont des opérations de l’armée rwandaise en 1996-97 qui ont imposé aux Congolais l’intrusion de Joseph Kabila dans le champ politique. Rappelons ici l’appui diplomatique qu’il a obtenu de la Belgique, de la France et des États-Unis dès son arrivée au pouvoir dans les conditions obscures au terme de sa réélection en 2011. Alors que des contestations s’élevaient, il a été chaleureusement félicité par les États qui participent au pillage des ressources économiques du pays. Aujourd’hui, ses propres parrains, particulièrement les États-Unis, se montrent réticents face à ses sordides manœuvres pour rester au pouvoir. Enfin, les régions qui étaient considérées comme ses fiefs –Katanga, Kivu et Maniema – l’ont littéralement abandonné.

Pour vous, Kabila, isolé, ne peut plus rester au pouvoir. Quel sort lui sera réservé ?
Il ne faut pas s’appesantir sur le sort de Kabila. En revanche, il faut utiliser à bon escient ce dont nous disposons comme ressources humaines, culturelles, intellectuelles et financières pour s’organiser afin qu’émerge un leadership compétent, ancré dans les réalités historiques et sociologiques du Congo, et capable de prendre en charges les destinées du pays afin que les Congolais façonnent lucidement le devenir du pays. La constitution, qu’il faut respecter scrupuleusement, a fixé la fin du mandat de Kabila à la fin de 2016. Parce qu’il est à la tête de l’Etat, son sort est lié au respect de la constitution et des lois de la République.

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