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Zewditou Ire, reine des rois (negusse negest) d’Éthiopie

Histoire

Zewditou Ire, reine des rois (negusse negest) d’Éthiopie

Par Sandro CAPO CHICHI 24 avril 2021

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Fille de Ménélik II, l’Impératrice Zewditu Ire d’Ethiopie est l’une des rares femmes au monde à diriger un Etat au XXe siècle. Son règne, caractérisé par un ambitieux programme de constructions religieuses, préfigure celui de son héritier présomptif et régent Ras Tafari, qui lui succédera sur le trône d’Ethiopie sous le nom d’Hailé Sélassié Ier.

Zewditou Ire, reine des rois (negusse negest) d’Éthiopie

Par Sandro CAPO CHICHI

Origines et jeunesse

Zewditu naît le 29 avril 1876 sous le nom d’Askala Maryam à Enewari dans la région du Shewa, en pays amhara au nord de l’Ethiopie. Elle est la fille du Negus du Shewa Haïlé Maryam, qui sera couronné empereur d’Ethiopie sous le nom de Ménélik II, et d’Abitchu qui sera brièvement sa concubine.

Elevée à la cour de son père par son épouse Bafena, elle est mariée dès l’âge de 6 ans à Araïa Sélassié, fils de l’empereur Yohannes IV..

Les raisons de ce mariage sont à chercher dans un événement politique majeur de l’époque. En 1882, le futur Ménélik, alors roi du Shewa, ignore les ordres de l’empereur Yohannes IV, et attaque et défait son voisin roi de Keffa Tekle Haymanot. Furieux, Yohannes réagit en s’appropriant l’autorité sur la région du Wello de Ménélik et en saisissant le butin de guerre obtenu par Ménélik. En contrepartie, il lui accorde le contrôle de Keffa et organise le mariage de son fils, qu’il nomme à la tête du Wello avec Zewditu.

Le mariage ne durera pas longtemps et ne sera pas consommé, Araïa Sélassié perdant la vie dès 1888. Entre-temps, ce dernier avait eu un garçon d’une autre femme.

Zewditu retourne à la cour de Ménélik II où elle se rapproche de la nouvelle épouse de son père, l’impératrice Taytu.

A nouveau mariée, cette fois-ci à Wag Seyyum Wangshul dont elle aura un enfant, elle divorcera quelques mois plus tard en 1891, à l’âge de 15 ans, pour épouser le général Webe Atnaf Seged dont elle divorce également. Les raisons de ce divorce sont obscures : des injures, une accusation d’adultère à l’endroit de Zewditu, ou encore l’insistance de sa belle-mère l’impératrice Taytu sont notamment évoquées.

En 1895, Zewditu perd sa fille de 4 ans qu’elle a eue avec Wag Seyyum Wangshul. L’année suivante, elle accompagne sa belle-mère l’impératrice Taytu à la tête d’une armée lors de la guerre victorieuse des Ethiopiens face à l’Italie.

C’est donc une jeune femme particulièrement aguerrie qui épouse, vers 1900, le Ras (seigneur) Gougsa Wellé, neveu de l’impératrice Taytu. Ce mariage avec ce poète renommé et grand amateur de livres qui sera, à l’occasion, nommé gouverneur de Begemder, semble avoir été plus heureux, bien que l’époux fut accusé par Taytu de maltraitance envers Zewditu.

Retour au chevet de Ménélik

Entre-temps, à la mort de Yohannes, Hayle Maryam avait été couronné, en 1889, sous le nom de Ménélik II. Quelque dix-huit ans plus tard, Zewditu rejoint à nouveau son père qui souffre d’apoplexie. Avec Taytu, elle reste au chevet de l’empereur qui s’éteint en 1913.
Le testament de Ménélik désigne Iyasu, le fils de sa deuxième fille Charawagga, comme son successeur. Mais grâce à une manœuvre de Taytu, Zewditu est associée à Iyasu à la succession de Ménélik. Toutefois, les dignitaires fidèles à Ménélik et à son testament préfèrent Iyasu à Zewditu, qui n’a en outre pas d’héritier. Iyasu est intronisé empereur en décembre 1913 à l’âge de 16 ans. Ses anciens rivaux à l’accession au trône, Zewditu et son époux le Ras Gugsa Wellé, sont envoyés dans un couvent.

Accession au trône et fin

Mais dès 1916, Iyasu s’est rendu impopulaire auprès de la classe dirigeante du pays, notamment pour sa supposée trop grande sympathie à l’égard de l’islam. Il est renversé par un coup d’État qui intronise, en septembre 1916, Zewditu comme Negiste Negest ou « reine des reines » d’Ethiopie. L’armée du père d’Iyasu est défaite lors de la bataille de Segale la même année, confortant la prise de pouvoir de Zewditu.

Elle se voit toutefois attribuer un régent, Ras Tafari Makonnen, petit-neveu de Ménélik et futur empereur Haile Selassie Ier. Les raisons de ce choix sont obscures. Comme le rappelle l’historien éthiopien Berhanou Abebe, il pourrait être dû à l’âge avancé de la reine, ou à une volonté des anciens suivants de Ménélik originaires du Shewa de ne pas voir accéder au pouvoir un enfant de Zewditu et de son mari Gougsa Wellé, originaire de la région de Gondar.

Elue impératrice, elle déclare : « Puisque Dieu m’a choisi moi, une femme, et m’a donné ce trône et cette couronne, je ferai le vœu de vivre seule et sans mari. » Et se sépare de son mari, désormais gouverneur dans sa province de Gondar et interdit de visite dans la capitale d’Addis Abeba. Alors que Zewditu s’applique à honorer la mémoire de son père, le Ras Tafari exerce le pouvoir effectif, organisa de nombreuses réformes, alors que Zewditu, plus conservatrice, va se consacrer à des activités religieuses, notamment à la construction d’églises.

En 1930, le Ras Gugsa Wellé, époux de Zewditu, lance une campagne contre Tafari, au cours de laquelle il est tué le 31 mars. Deux jours plus tard, peut-être par suicide, de maladie ou à cause du choc de la nouvelle, Zewditu rejoignait son époux dans l’au-delà.

Des tensions entre Tafari Makonnen et les conservateurs vont alors éclater. Elles ne vont que conforter la position du premier, qui sera couronné « negus negest », roi des rois, le 2 novembre 1930, sous le nom de Haile Selassié.

Bien que moins puissante et charismatique que sa belle-mère Taytu, Zewditu a eu l’honneur d’exercer officiellement la fonction suprême et officielle de chef d’État, position que peu de femmes d’Afrique et d’ailleurs ont eu, au XXe siècle, la chance d’occuper.

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