BURKINA FASO : Au-delà de la production, il faut commercialiser au juste prix !
Economie

Par naomi P. 3 octobre 2014
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En novembre 2013, Inter-Réseaux Développement rural et Jade Productions, deux organismes d’appui au monde rural ont organisé un atelier de réflexions sur la commercialisation des produits agricoles. L’occasion d’échanger avec Abdoulaye Ouédraogo, le président de l’Union des Coopératives Rizicoles de Bama. Il revient sur les difficultés de la filière riz et les solutions possibles en matière de commercialisation. Par Gaoussou Nabaloum
Dans l’Ouest du Burkina Faso, un pays situé en plein cœur de l’Afrique de l’Ouest, des paysans exploitent une plaine rizicole. Abdoulaye Ouédraogo est un de ces producteurs. Pour lui, l’union fait la force. C’est pourquoi, en juin 2001, avec une centaine d’autres exploitants, ils créent l’Union des Coopératives Rizicoles de Bama (URCB). Dès lors, les producteurs de la plaine rizicole de Bama se lancent dans la gestion du réseau hydraulique du périmètre irrigué, l’organisation de la production, l’approvisionnement des coopératives en intrants et la commercialisation des produits agricoles. Composée de huit coopératives regroupant 1 300 producteurs, l’UCRB dispose d’une superficie de 1 200hectaresexploitablesdeux fois par an. La production et la commercialisation du riz dans cette zone sont cependant confrontées à de nombreuses difficultés. La première est l’insuffisance en eau. Seuls 400hectares ont été emblavés en riz pour une campagne. Le périmètre aménagé est irrigué par le fleuve Kou, et le débit d’écoulement de l’eau sur la zone aménagée est faible du fait de l’ensablement de ce fleuve. A cela s’ajoute le prélèvement anarchique en amont de certains utilisateurs installés le long de la berge du fleuve, profitant du manque de surveillance.
APRES la production, se pose le problème de commercialisation. A qui vendre pour obtenir le juste prix pour la production ? N’ayant pas de véritable stratégie de commercialisation, les producteurs vendent à des commerçants, et souvent à perte, comme le confirme Abdoulaye Ouédraogo : « Nous n’avons pas de techniciens nous permettant de réfléchir à une stratégie de communication et de négocier avec les clients. C’est le client face au producteur et, dans la plupart des cas, le client a le dessus sur le producteur ».La production en riz de l’UCRB est également rachetée par l’Union des femmes étuveuse et la société nationale de gestion des stocks de sécurité du Burkina Faso (SONAGESS). Depuis la crise alimentaire de 2008 et la décision de l’Etat de s’impliquer de nouveau dans la gestion des prix des produits de grande consommation, la SONAGESS est chargée d’acheter le riz aux producteurs à un prix plancher pour le redistribuer à un prix social. Si, pour Abdoulaye Ouédraogo, cela est à saluer car ainsi les producteurs ne bradent pas leur produit, « le prix plancher n’est souvent pas suffisamment rémunérateur ; les producteurs ont des besoins et les prix plancher du gouvernement ne permettent pas de les satisfaire ». La seconde option des producteurs pour la commercialisation de leur riz est donc de le vendre à l’Union des femmes étuveuses de la vallée du Kou. Ces femmes, épouses et mères des producteurs, leurs achètent le riz, le transforment et le revendent. Le prix que ces femmes proposent est assez satisfaisant et les producteurs préfèrent ainsi parler affaire avec elles. Cependant, les femmes étuveuses ont également des difficultés dont les producteurs ressentent les conséquences : elles ne disposent pas de fonds suffisamment importants pour acheter leur récolte aux producteurs. Pour Abdoulaye Ouédraogo, les problèmes de l’URCB sont indissociables de ceux des femmes étuveuses car « dès que ces dernières sont menacées, cela retombe sur nous, les producteurs ». La rivalité qu’entretiennent la SONAGESS et les femmes étuveuses pour l’achat des produits n’est pas saine. Pour le président de l’URCB, cette concurrence est « déloyale » car la SONAGESS revend le riz à un prix subventionné par l’Etat, ce qui menace l’activité de l’union des femmes étuveuses. Une autre menace de cette Union est l’intérêt des semi-industriels pour la filière riz. Mieux équipés techniquement et avec davantage de moyens financiers, les semi-industriels pourraient bien finir de rompre cette harmonie précaire entre les producteurs et les étuveuses. En effet, si ces derniers venaient à proposer des prix attractifs, il est probable que les producteurs se tourneraient vers eux, mettant, de fait, les femmes au chômage technique. Une situation qui arrangerait certes les producteurs qui écouleraient ainsi leur production, mais qui briserait un mariage d’amour et d’intérêt avec les femmes étuveuses de riz. La mise en place d’une plateforme « filière riz » pourrait apporter des solutions idoines aux problèmes vécus les acteurs de la chaîne. Une esquisse de stratégie de commercialisation inclusive serait profitable à tous les acteurs. « Cette stratégie pourrait permettre à tous les acteurs de se rencontrer, de se concerter et partager les problèmes de la filières riz afin que producteurs, intermédiaires, acheteurs et revendeurs s’en tirent à bon compte » martèle Abdoulaye Ouédraogo, le président de l’Union.